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Carnet de bord du 20 avril, le dernier!

Position 39° 57’ N et 001° 11’ E Dernier jour en mer ! Moins de 100 milles avant l’arrivée !


On me pose souvent la question de ce qui me motive à faire ce genre de course sachant que je vais être mouillé, avoir froid et passer des moments difficiles. C’est sur que c’est impressionnant de faire une course «autour du monde» mais notre motivation n’est pas de faire le tour du globe. Ca a déjà été fait par Magellan durant une expédition qui a duré 3 ans et n’importe qui avec une carte bleue et un estomac qui supporte la nourriture dans les avions peut le faire en 48h. Est ce que je suis en train de vous dire que ça n’a aucun sens de faire le tour du monde et de revenir au même endroit ? Non, ça serait comme vous dire que Lewis Hamilton s’amuse à tourner en rond le dimanche après-midi !


En fait on va traverser les parties les plus sauvages du royaume de dame nature, mettre à l’épreuve notre courage dans ses tempêtes les plus violentes et notre patience dans ses calmes les plus douloureux (c’est sûr qu’on a eu notre dose de ce côté ! ). Moi je le vois surtout comme un challenge énorme et une opportunité de grandir en tant que personne. Se couper de la routine quotidienne et du support que l’on peut avoir dès que l’on a besoin d’aide est une opportunité extrême d’améliorer mes compétences, de repousser les limites de ma force mentale, de mon ingéniosité, ma résistance et mon endurance physique.


Tous les challenges que nous avons dû relever pendant cette course m’ont aidé à m’améliorer en tant que personne. Je me marie dans quelques mois et cette perspective m’a fait beaucoup réfléchir pendant la course. On fait souvent l’analogie d’être «dans le même bateau» dans les relations amoureuses alors enfermer dans un bateau 2 personnes avec un fort tempérament pendant 3 mois et le secouer dans tous les sens est surement l’une des meilleures manières d’améliorer sa patience et sa compassion non ? Faire fonctionner une équipe avec quelqu’un de 2 fois son âge et avec un caractère plutôt différent du sien n’était pas des plus simples mais ça m’a rendu plus patient je pense. Nandor et moi avons traversé autant d’épreuves en quelques mois que la plupart des gens traversent sur plusieurs années et notre équipe, notre amitié est le résultat de 3 mois de mer à vivre, transpirer, râler, saigner ensemble.


Alors que l’on attend avec impatience de voir apparaître Barcelone à l’horizon, je cherchais comment mesurer notre performance et j’ai trouvé la réponse dans un autre sport français. Tous les été, des cyclistes parcourent les routes de France, entre les champs de tournesols et les cols des montagnes à la poursuite du si convoité maillot jaune du vainqueur. Après 3 semaines de dur labeur, le vainqueur est couvert de fleurs et de gloire mais il y a toujours une reconnaissance spéciale pour le dernier cycliste. La lanterne rouge* passe souvent la ligne d’arrivée à la tombée de la nuit et est tout le temps en train d’essayer de finir avant les temps éliminatoires mais ses efforts sont reconnus par le public parce que, même s’il est le dernier sur la route, on se dit que beaucoup auraient abandonné avant et seraient rentrés chez eux dans cette situation.


C’est un bon résumé de notre situation. On approche de l’arrivée et on est bon derniers sur l’eau, 7ème bateau sur les 8 qui ont pris le départ en décembre et on a échappé de peu à l’abandon plusieurs fois. Je pense vraiment qu’en bouclant ce tour du monde on a fait quelque chose dont on peut être fiers car beaucoup ne nous voyaient pas finir l’aventure. J’espère que nous pourrons tous les 2 être au départ du prochain Vendée Globe et que, passé notre expérience de lanterne rouge, nous pourrons aller à la poursuite du maillot jaune!


Merci d’avoir suivi notre aventure jusqu’ici, c’était un plaisir de partager ces histoires avec vous et vivement la prochaine fois !


* Cela vient de la lumière rouge qui signalait le dernier wagon des convois ferroviaires





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