Oceanic Podcast #4
Ecoutez le dernier podcast en direct des mers du Sud, et très bientôt dans le Pacifique!
La traduction ci dessous:
Bonjour, bienvenue à bord de Foresight Natural Energy avec Conrad Colman.
Dans l'introduction, vous aurez peut être reconnu la chanson de Bill Thomas " Les gouttes de pluies continuent de me tomber sur ma tête". Et bien moi, j'aimerai bien avoir uniquement des gouttes de pluie qui me tombent dessus!
Je sors d'une grosse dépression qui m'a menée la vie dure les jours derniers et m'a un peu mis KO. Du coup je n'ai pas beaucoup communiqué dernièrement car j'étais en mode survie, avec pour seul objectif de sortir de cette dépression en une pièce!
Les vagues étaient gigantesques, comme nulle part ailleurs sur la planète. Leur force et celle du vent donnaient au bateau tellement de puissance et d'inertie qu'il décollait de la crête d'une vaque pour aller s'écraser sur une piste géante de toboggan à une vitesse vertigineuse dans la "montagne" suivante. C'est un endroit très sauvage et les émotions sont très intenses à vivre.
Le sujet du jour c'est le bonheur, la satisfaction, en gros, ce qui me motive à être ici aujourd'hui. Et la raison de ce thème, c'est ma récente interview avec une journaliste de l'AFP qui m'a demandé comment j'allais. Je lui ai répondu qu'il y avait beaucoup de challenges mais que les surmonter me donnait beaucoup de satisfaction. Elle m'a dit "Ok, je comprends pour les challenges.... mais êtes vous heureux?"
Et je suppose que pour moi la réponse à la question est "oui mais". Dès fois je suis hystérique, comme possédé, tellement heureux d'être ici et de vivre cette expérience hors du commun: ne faire qu'un avec le bateau, faire des surfs extraordinaires, avoir la satisfaction incroyable de ceux qui vivent leurs rêves, parce que tout le monde n'a pas cette chance.
Mais ce n'est pas le sentiment de bonheur d'une bonne glace dégustée sur la plage un jour d'été, c'est plutôt le fait d'atteindre un objectif, de dépasser ses limites ... et sans vouloir être trop dramatique, je crois que c'est ce qui nous caractérise en tant qu'humain. La volonté de travailler dur qui nous permet d'apprendre de nos expériences les plus difficiles. Il faut beaucoup de passion pour être capable d'aller toujours plus loin en donnant le meilleur de nous même que l'on soit un artiste sans le sous, un entrepreneur, un alpiniste glacé ou un marin mouillé!
Pour mettre les choses en perspective en mer, je lis souvent des histoires de survie extrême, d'alpinisme et je laisse mon esprit s'échapper un peu. Souvent ça sert aussi à me botter les fesses! Parce que, quand je suis fatigué, trempé, que je n'ai pas très envie de sortir du bateau pour me prendre une autre vague en pleine figure ou faire un changement de voile je repense à ces histoires.
Je ne suis pas comme Shackleton dans ses récits d'expédition, à mettre 2 ans pour sauver tous les membres de mon équipe d'une mort certaine en Antarctique. Pas besoin pour moi de manger de la graisse de pingouin pour survivre, ou bien de redescendre d'une montagne avec des engelures sur mes orteils alors en général ça me motive à aller changer de voiles, je me dis que ma situation n'est pas si dramatique!
Enfin je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de danger et d'inconfort dans ce que je fais. En fait, le podcast d'aujourd'hui aurait pu être sponsorisé par "Spinlock", fabriquant de mon gilet de sauvetage, mon harnais et ma longe de sécurité, parce qu'il m'a sauvé la vie l'autre jour.
Je travaillais à l'avant du bateau, sur le J1( voile d'avant) pour réparer à nouveau la poche qui l'accroche au câble quand une vague ma complètement embarqué. J'ai décollé pour atterrir presque 5m plus loin, quasiment au pied du mât et j'ai heurté les autres câbles au passage récoltant de beaux bleus au tibia et une petite entorse du pouce. Mais ça aurait pu être bien pire. J'étais totalement désorienté, je n'avais pas la capacité physique de m'accrocher à quoi que ce soit donc c'est ma longe de sécurité qui m'a gardé à bord. Alors merci Spinlock, bon boulot.
Après cette expérience, et avec le vent qui faiblit un peu, le repos est à l'ordre du jour. Pas vraiment du style "thé et biscuits" mais tout de même quelques tasses de café et un peu plus de temps dans au lit! Il a aussi fallu éponger, écoper, aspirer toute l'eau qui s'était accumulée dans tous les coins du bateau ces derniers jours. Je fais route vers la Nouvelle-Zélande à un bon rythme, profite de la chance d'être encore en course, toujours avec l'énergie de continuer la bataille ... et oui, cher journaliste, toujours heureux!